Lâcher prise

PROPOS DE PATRIARCHE

photo rémy Gagné

Il y a quelque temps à l’Action de Grâce, j’avais organisé un party de musique à l’enseigne d’un Oktoberfest. Dans mon clan les enfants ont créé un band: piano, clavier, guitare lead, guitare basse, batterie, soliste. Un incontournable dans nos rencontres familiales. Pour faciliter la participation de tout le monde, j’avais préparé un livret des paroles de chansons. soit  une cinquantaine que j’avais répertoriées à coups de téléchargement sur internet. J’y avais même ajouté les partitions pour les musiciens qui ne peuvent s’en passer ne fusse que pour accompagner Au clair de la lune. J’avais prévu une douzaine de livrets, comprenant chacun une dizaine de pages.  Un travail de moine avec mon diplôme informatique  101. d’autant plus que mon imprimante fortement susceptible ne tolère aucune pression sur un bouton non approprié. Il m’en a coûté le double en papier.

Vint le soir du party. Ma blonde s’était donné un mal de tête pour planifier la disposition des tables de manière à assoir  la trentaine de nos invités. Pour faire vraiment Oktoberfest, chaque invité devait apporter des bières à déguster. c’était la première opération pour lever le party. Dans ma tête ça devait se dérouler selon un certain rituel. Que non. Lève ton verre, iglou, iglou.. Pendant la dégustation, l’équipe des cuisinières se chargeaient des saucisses et de la choucroute. Un menu typiquement allemand qui fut fort apprécié tout en poursuivant la dégustation des bières. Pas question de monter la table, chacun préférant manger à la bonne franquette. Au diable le plan de ma blonde et sa belle nappe de circonstance.

Suivit la mise en route du band. Tout fier, je distribue mes livrets de chansons La foire démarra en grande avec quatre ou cinq  chansons à boire. Puis, on oublia le répertoire que j’avais préparé pour y aller avec les 104 tounes proposées par mon fils. Tout le travail que je m’étais imposé avec ma douzaine de livrets prit le bord de la poubelle. Au fur et à mesure que la soirée battait son plein, deux de mes petits fils lancèrent leur propre répertoire entrainant tout le band dans un nouveau régime de tounes anglaises que je ne connaissais pas. Je réalisais alors qu’il était temps de lâcher prise. Le spectre d’un vieux has been me frappa en plein visage.

Je me suis rappelé à ce moment ce que j’avais vécu lors d’une visite au Jour de l’An chez le paternel.. Quand on arrivait avec les enfants, on prenait possession de la maison. Une véritable occupation que ma mère avait peine à gérer, surtout que mes cinq sœurs s’y connaissent en gérance. Mon père était musicien et son répertoire datant des années trente, quarante ne figurait pas dans le mien. Je trouvais qu’il faisait vraiment vieux jeu. On le suivait pendant quelques morceaux, puis on se lançait dans notre propre hit parade. Il nous regardait aller et souriait.

Mon tour est venu, me disais-je, place à la relève.