Fais ce que dois

Affaires Plus – Octobre 2001
Fais ce que dois
Par Nicole Côté

Les temps, comme les marchés, peuvent être favorables ou défavorables, mais je suis convaincue qu’en fin de compte, la réussite ou l’échec d’une carrière dépend plus de la personne que de son contexte.
C’est cette emphase sur l’individu que me reprochait un homme d’affaires chinois lors d’une conférence internationale.  «Vous, les Occidentaux, vous misez uniquement sur le succès personnel.  En Orient, nous avons plus le souci de la collectivité.  Ainsi, moi qui ai réussi, je veux partager mon succès, je veux que mes employés deviennent riches.»
«Tous vos employés?» lui demandai-je.  Et de me répondre en souriant : «Pas exactement, Voyez-vous, je répartis mes employés en quatre catégories.  Il y a d’abord ceux qui se contentent de suivre les règlements.  Cela leur donne le droit d’avoir un emploi chez nous, mais on les surveille et, à la moindre incartade, on s’en débarrasse parce que de toute façon, ils n’apportent pas grand-chose à l’entreprise.
«Puis, on trouve les esprits analytiques.  Ceux-là sont plus intéressants parce qu’ils se donnent la peine de réfléchir.  Toutefois, on ne fait aucun effort pour les garder parce qu’il n’y a rien de plus facile que de remplacer un cerveau par un autre.
«Il existe une troisième catégorie constituée de personnes créatives, qui ont des idées originales.  J’investis beaucoup pour les attirer chez nous et empêcher mes concurrents de s’en emparer.
«Enfin, ceux qui deviendront riches avec moi sont ceux qui prennent mon entreprise à cœur et sont prêts à s’y engager corps et âme.»
Sans le vouloir, mon collègue chinois venait d’illustrer brillamment l’importance de la responsabilité individuelle dans la fabrication de la chance.  Et il me suggérait une manière intéressante de décrire les différents niveaux d’exigence des entreprises.
S’il est vrai que, pour réussir sa vie, il faut d’abord et avant tout se connaître, penser à soi et s’occuper de ses besoins, pour réussir sa vie dans un contexte donné, il importe de prendre conscience des exigences de ce contexte et d’y répondre.
En effet, on a beau savoir ce que l’on veut, on a besoin de se faire accepter, apprécier, désirer, et de se rendre plus ou moins indispensable.  C’est pourquoi, en même temps qu’on parle des attentes des jeunes et des moins jeunes face à l’entreprise, il convient d’aborder la question de leurs devoirs envers celle-ci et des qualités qu’ils devront démontrer s’ils veulent participer pleinement à son évolution et à ses projets.

Les comportements gagnants
En s’inspirant de notre entrepreneur chinois, on peut décrire quatre pratiques à développer pour s’intégrer avec succès à une organisation, sans exclure, bien sûr, le talent et les compétences qu’il faut posséder.
1.    Faire preuve de discipline – L’abc de la socialisation est la capacité de vivre dans un cadre et de respecter des règles de conduite : arriver à l’heure, atteindre ses objectifs, faire preuve de courtoisie, écrire dans les règles de l’art.  La discipline est indispensable dans une grosse entreprise, sinon c’est le chaos.  Elle est également nécessaire à celui ou celle qui démarre sa propre entreprise : sinon, il lui faudra réinventer la roue chaque jour.
2.    Se servir de son intelligence – Si on se contente de la discipline, on devient soumis et/ou banal.  On commence à exister et à utiliser son pouvoir personnel à partir du moment où l’on se met à réfléchir, à analyser les situations, à les mettre en perspective, à développer son esprit critique comme son esprit constructif.
3.    Exprimer sa personnalité – Pour avoir droit de cité dans l’entreprise, il faut savoir en respecter les normes.  Pour y mériter le respect, il faut faire preuve d’intelligence.  Toutefois, ce qui rend plus concurrentiel, c’est la spécificité, l’originalité, la personnalité.  Il s’agit donc d’apprendre à se connaître, se reconnaître et se faire connaître dans ce qui nous est le plus personnel et le plus particulier.
4.    Développer sa capacité d’aimer – Pour réussir une carrière comme pour créer une entreprise, il est indispensable d’investir et de s’engager à fond.  Il faut du cœur au ventre, de l’ouverture d’esprit et de la générosité pour arriver à faire équipe avec les autres.  Et c’est ainsi que c’est derniers en arrivent à nous trouver, sinon irremplaçable, à tout le moins précieux et attachant.

Une question d’apprentissage
Si on considère le manque d’envergure d’un grand nombre de jeunes et de moins jeunes, on peut se désoler en déplorant les failles de notre système d’éducation.  On peut aussi se consoler en réalisant que les pratiques gagnantes ne sont pas innées, mais acquises au contact d’un environnement à la fois rigoureux et enrichissant.
Il ne nous reste qu’à manager cet apprentissage en encadrant nos employés fermement et affectueusement.