Affaires Plus – Septembre 2001
INTELLIGENCE RECHERCHÉE
Par Nicole Côté
Qui l’eut cru ? Après avoir tenu à l’écart toute une génération de jeunes diplômés et s’être débarrassé cavalièrement de leurs anciens, les entreprises font face aujourd’hui à une pénurie de ressources spécialisées sans précédent.
Au cours des derniers mois, j’ai entendu plusieurs dirigeants dire que leur défi numéro un est d’assurer leur relève. En effet, dans une économie où la compétitivité repose sur l’information, le savoir et l’innovation, les entreprises doivent, pour devenir plus intelligentes et plus créatives, recruter les meilleures ressources disponibles sur le marché, les former et surtout les conserver.
Les meilleurs(es), qui sont-ils(elles) ?
Les entreprises recherchent désespérément des jeunes doués, qualifiés, capables de comprendre leurs impératifs actuels, outillés pour y faire face, prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes et à en entraîner d’autres dans leur sillage. Ces jeunes ont entre 25 et 35 ans et se retrouvent soit à l’intérieur de leurs murs, soit parmi ceux et celles qui sollicitent un premier emploi, soit chez leurs compétiteurs. Indépendamment de leur champ de spécialité et de leur niveau de formation, ils ont des caractéristiques communes.
Ces personnes brillantes, compétentes et évoluées sont ce que les baby boomers, avec leur chance inouïe et malgré leurs excès, ont produit de mieux :
– elles sont nées et ont grandi avec les nouvelles technologies;
– elles ont été élevées dans un environnement démocratique et stimulant où on leur a appris à avoir confiance en elles-mêmes, à se respecter et à respecter les autres;
– elles ont voyagé, ont eu accès à d’autres cultures et environnements et demeurent connectées sur le monde;
– elles ont une excellente formation.
Comment les attirer et les garder ?
Les vieux de la vieille pensent aisément que pour recruter de bonnes ressources et les conserver, il suffit d’y mettre le prix. Mais c’est sous-estimer les avantages inhérents à la situation des jeunes surdoués :
– ils savent qu’ils sont bons;
– ils sont indépendants. Les plus jeunes sont tombés dans la potion magique très tôt. Les plus âgés ont l’autonomie de ceux qui ont appris à vivre avec peu;
– ils sont continuellement courtisés;
– ils ont le choix.
Bien sûr, ils ont besoin de gagner de l’argent et visent à obtenir une rémunération et des bénéfices du niveau du marché. Mais ils veulent plus que des conditions financières. Ils veulent des conditions de vie. Ces jeunes ne sont pas à vendre. Ce sont eux qui magasinent et ils s’attendent à ce que les entreprises leur offrent :
Des défis intéressants
On leur a inculqué l’importance de la passion. Ils veulent être utilisés à pleine capacité et faire ce pour quoi on les a préparés.
Des contacts significatifs avec le management
Ils sont habitués à être interactifs avec leurs parents, leurs professeurs et leur ordinateur. Ils s’attendent à voir des patrons présents, communicatifs et « présentables »
Un impact dans la prise de décision
Ils n’acceptent pas qu’on décide pour eux. Ils exigent de participer aux discussions qui les concernent.
Des opportunités de développement
Ces individus ambitieux et désireux d’apprendre ont besoin d’être stimulés, supportés dans leur évolution, de recevoir du feedback et de réajuster sans cesse leurs objectifs.
Une vie équilibrée
Ils ont vu leurs parents négliger leur famille et se priver de loisirs. Pour eux, la vie est beaucoup plus que la carrière. Ils veulent avoir du plaisir et voir grandir leurs enfants.
Les exigences des jeunes sont à la fois incontournables et pressantes. Ils sont peu sensibles aux promesses, car ils n’ont guère d’illusions sur la fidélité des entreprises envers leurs employés. Plusieurs ont été témoins du congédiement de leurs proches après des années de loyaux services. Ils ne sont pas prêts à souffrir pour être heureux plus tard, à poireauter dans l’attente d’une éventuelle promotion ou à se priver de plaisir et de passion pour acheter une sécurité à long terme. Ce qu’ils veulent, ils le veulent maintenant.
Les jeunes : une opportunité de transformation
On peut considérer la rareté des ressources comme une calamité. On peut aussi l’accueillir comme un défi, une opportunité de transformer le management des entreprises en lui inculquant des compétences qui le rendront crédible, attirant, stimulant et supportant pour ceux qui constitueront sa relève :
– le sens de la communication quotidienne;
– le respect de la vie privée;
– le sens de la pédagogie;
– l’ouverture à la nouveauté
– la tolérance à l’ambiguïté.
Pour certains, l’adaptation se fera naturellement. Pour d’autres, il faudra une formation intensive… un congé parental.