Mon âme, ouvre-toi!

Affaires Plus – Décembre 1999
Mon âme, ouvre-toi !
Par Nicole Côté

À quoi bon conquérir l’univers si on y perd son âme ?
Cette phrase empruntée à de lointains cours de morale m’est revenue à l’esprit lors d’une conversation émouvante avec Fernanda, ma femme de ménage.
Cette femme, qui a réellement besoin de gagner sa vie, me racontait, en larmes, qu’elle venait de laisser tomber un contrat très alléchant parce que sa cliente la traitait comme une «moins que rien».
Quelle dignité, quelle intégrité!  Bien sûr, je sait que Fernanda est une personne honnête, mais ce respect d’elle-même, cette fidélité à ses principes m’impressionnent.  Elle a ce que j’appelle de l’éthique.
On définit l’éthique comme l’art de diriger sa conduite en société.  Bien se conduire, c’est beaucoup plus qu’obéir aveuglément à un code de loi, plus qu’éviter ce qui est mal ou interdit.  C’est s’engager clairement face à ce qui est bien.  Et cela exige parfois d’aller contre les normes existantes.  L’éthique implique toujours une relation : une relation avec soi-même, avec l’autre, avec son entreprise.

D’abord avec soi
On a de l’éthique face à soi-même lorsque :
-on se regarde en face, lucidement;
-on perçoit, accepte et honore ses besoins;
-on se respecte, on respecte ses possessions, ses choix, son temps et son espace;
-on prend soin de sa personne, de sa réputation;
-on agit selon ses valeurs et ses principes.
On manque d’éthique envers soi-même quand on se néglige, quand on se ment à soi-même, quand on tombe dans la complaisance ou l’intolérance, quand on accepte d’être diminué, exploité ou maltraité.

Puis, avec l’autre
Dans les relations interpersonnelles, l’éthique est symbole d’honnêteté, de loyauté, de courage, de décence, de bienveillance et de service.  Par contre, on se comporte de façon immorale quand on porte atteinte à l’intégrité physique ou psychologique de l’autre.  Pensons simplement :
-au professionnel qui dénigre le travail d’un collègue derrière son dos;
-au cadre qui ridiculise ou écrase un membre de son équipe en pleine réunion;
-à celui qui ne défend pas son ami lorsqu’il est attaqué;
-au parent divorcé qui fait du chantage auprès de ses enfants pour blesser son ex.
En règle générale, les gens qui font preuve de malhonnêteté, de négligence, de lâcheté ou encore de malveillance ont d’excellentes raisons de se comporter de la sorte.  Cela ne les excuse pas, car l’effet sur l’autre n’en est pas moins pernicieux.

Ensuite, au travail
Finalement, l’éthique envers l’entreprise est plus complexe à définir.  On l’aborde trop souvent de façon limitative, en termes de résultats chiffrés.  Avoir de l’éthique, être «imputable», c’est plus que faire ses heures, atteindre ses objectifs et faire monter la valeur de l’action.
Dans les milieux patronaux, comme dans le monde des syndiqués, cette question mériterait d’être débattue.  On s’apercevrait que brûler les ressources humaines au nom de l’efficacité, saborder la culture et le patrimoine de l’organisation au nom de la compétitivité, saboter les processus et miner le climat d’une institution au nom de l’équité, c’est manque d’éthique.
Malheureusement, tant qu’il y aura plus de gros ego que de grandes âmes, les discussions demeureront techniques, juridiques, comptables, linéaires et superficielles…
En attendant plus de conscience et de consistance, il faut éviter de voir, à la manière des ayatollahs, la pailles dans l’œil du voisin, au lieu de la poutre dans le sien.
Il est plus sage d’ouvre son «âme», de faire de son mieux et d’être tolérant et patient.