Affaires Plus – Juin 2001
Pour l’amour de soi
Par Nicole Côté
Le jour de mon anniversaire, j’ai pris congé…
J’ai passé une grande partie de la journée avec mon ami Georges, un labrador saltimbanque qui m’a un jour apprivoisée et dont j’ai maintenant la garde partagée. » Moi, à qui on reproche parfois d’être excellente pour dire aux autres quoi faire et moins experte lorsqu’il s’agit de ma propre vie, j’ai décidé ce jour-là d’être le cordonnier mieux chaussé, de reprendre contact avec les fondements de toutes mes théories et pratiques et de me donner le traitement royal. Quand on décide de prendre soin de soi, on revient aux conditions que tout parent doit assurer à son enfant. Ces conditions, que nous avons brièvement décrites lors de notre première chronique sont : l’affection, la stimulation et la discipline. Elles sont vitales, indissociables.
« S’occuper de soi ce n’est pas de l’égoïsme, mais une charité bien ordonnée qui libère d’ailleurs les autres de l’obligation de nous prendre en charge. » Cet énoncé de mon cru est tellement simple qu’il peut avoir l’air idiot…
Pourtant, quand j’entends certains de mes clients et amis parler d’eux-mêmes, je constate qu’il est difficile d’aimer. Dans notre éducation «vidéo-chrétienne»* on a appris à se méfier de soi, à se retenir de trop aimer et à se culpabiliser. On se tape dessus si on fait une erreur, on se déprécie si on est déprimé et on se prive à outrance par sens du devoir ou de l’économie. Et c’est triste, par ce que c’est exactement du contraire dont on a besoin, surtout quand ça va mal.
Vivre pour l’amour de soi
Dans le domaine de l’affection, mon ami Georges s’avère un grand professeur à cause de sa manière de donner et de recevoir. Avec lui, je redécouvre une envie de vivre affectivement, affectueusement.
-L’accueil inconditionnel
Comme me faisait remarquer ma meilleure amie, un chien est le seul être qui vous fait un accueil du tonnerre lorsque vous rentrez deux minutes après avoir sorti vos poubelles. Georges est pour moi un fan club exceptionnel. Je rêve un jour de devenir comme lui, une inconditionnelle de moi-même. Je rêve d’être capable de m’accueillir avec mes côtés sombres et lumineux, de me féliciter sans me sentir obligée de me passer d’autres commandes, de m’apprécier sans réserve, de me plaire en ma compagnie et d’être d’une générosité sans bornes à mon égard.
-L’intimité
Il peut paraître paradoxal dans un texte publié, d’aborder la question de l’intimité avec soi, mais il convient de le faire car c’est dans l’intimité que l’amour se conscientise et s’épanouit. Pour développer l’intimité avec soi, il faut apprendre à se regarder en face, à se parler, à s’entendre et à se comprendre. Et pour cela, on a besoin d’un temps et d’un espace privilégiés loin des regards, des commentaires et des exigences des autres.
-La douceur
L’indulgence, l’attendrissement face aux faiblesses de l’autre est une caractéristique propre à tous les amoureux. Quand on aime quelqu’un, on aime tout de lui. On le voit et on craque. Cela ne veut pas dire pour autant qu’on manque de lucidité. Au contraire, cette tendresse permet de dire la vérité sans blesser, d’en arriver à accepter ce qu’on ne peut pas changer et à améliorer ce qui peut l’être.
-La confiance
La confiance en soi est faite de l’appréciation que l’on a de son potentiel, de la volonté de le faire fructifier et de la conviction d’en être digne. Elle prend racine dans le lien que l’on crée avec la vie qui est en soi et autour de soi. « Je suis quelqu’un, je suis vivante, je suis comme la vie, j’ai un élan, je bouge, j’apprends, je m’adapte, je crée, je me nourris, j’ai du pouvoir, je suis contagieuse, je vis, je suis… heureuse. Et il n’y pas de raisons pour que cela ne continue pas. »
Évidemment, ces mots il faut se les dire, se les redire. Ils stimulent, ils réconfortent et donnent des ailes. Tant que j’aurai l’intelligence de dire « présente ! » à chaque jour, l’avenir ne saura m’inquiéter.
-La fidélité
Vivre l’amour de soi n’a de sens que dans la constance et la continuité. Et c’est là qu’interviennent l’éthique et la discipline. Être fidèle à soi-même c’est donc garder une attitude positive, accueillante en toute circonstance et ne jamais se faire faux bond. C’est se donner systématiquement le bénéfice du doute et apprendre la tolérance et le pardon. Et c’est se donner au quotidien la discipline de demeurer vigilant(e), de ne jamais se perdre de vue, de s’occuper personnellement du bien-être, de l’équilibre, du bonheur, du plaisir et de l’épanouissement de la belle personne que l’on est.
Finalement, cet engagement face à soi est un vœu qui ne saurait être que perpétuel. Un vœu qu’il est judicieux de renouveler périodiquement… à chaque anniversaire, par exemple. Souhaitons-nous donc longue, heureuse et lumineuse vie.
* Perle tirée d’un travail d’étudiant d’université