Affaires Plus – Janvier 1999
CHANGER, C’EST SE DÉCOUVRIR
Par Nicole Côté
Même lorsqu’un changement professionnel a été bien planifié, on a parfois de grosses surprises. Car une volonté en cache souvent une autre…
Il y a six mois, je décide de prendre une mini année sabbatique pour me donner du temps de réflexion, refaire le plein, renouveler mes contenus, m’occuper de ma vie privée et me remettre ne forme.
En personne efficace et organisée, je mets de l’ordre dans mes dossiers, j’assure la continuité de mes affaires et j’expédie des caisses de livres et de documents à Paris où m’attend l’élu de mon cœur. J’anticipe le changement avec exaltation. Je me réjouis de l’idée de voyager un peu, de flâner dans les cafés, de me remettre à jour dans mes lectures et de reprendre la plume.
Hélas! Comme dans beaucoup de processus de changement planifiés, rien ne se passe comme prévu. Dès la seconde semaine, l’angoisse, l’insomnie et la dépression déferlent en moi. Je n’arrive plus à me concentrer, je panique, je pleure, je m’énerve, j’entre en conflit avec mon conjoint. Pour ajouter au tout, nous avons un dégât d’eau important dans l’appartement et je me claque un muscle juste avant un voyage dans le Pacifique.
Qu’est-ce que je fais? Exactement ce que me dicte la situation : je répare les dégâts, je nettoie la maison, je cesse de faire du sport, je me repose, je fais des méga mots croisés, je lis des romans policiers et j’apprends à vivre avec mon «chum». Comme sabbat, c’est dur à battre!
Des dossiers en attente qui surgissent
Au plus profond de mon désarroi, je rencontre une psychologue qui me dit : «Je m’étonne que vous soyez surprise.» En effet, dès que vous lui en donnez la possibilité, votre organisme reprend ses droits. Quand vos affaires vont bien et que vous avez un peu d’énergie disponible, votre inconscient sort des dossiers en attente. Le mien a profité d’un moment de répit pour exprimer clairement à la «workaholic» que je suis (ou que… j’étais), sa volonté de laisser vivre d’autres dimensions de ma personne.
Et je découvre une passivité, une paresse, un certain désordre, un goût de dépendance, une insouciance qui deviendront – je commence à le soupçonner – une réceptivité, une patience, une créativité, une disponibilité et une tolérance que je n’aurais jamais imaginées comme miennes.
Ces qualités me semblent plutôt adaptées à la période d’incertitude, de turbulence et de transformation rapide que nous vivons tous. Alors, je savoure mes dernières semaines de congé, consciente que lorsqu’on navigue sur une rivière où le courant est fort, la meilleure chose à faire est de bien équiper son canot, d’en prendre soin et d’apprendre à le maîtriser.
Des leçons à tirer
Je tire plusieurs leçons de cette expérience. La première est que si l’on veut faire le plein, il faut d’abord faire le vide. Dans un esprit encombré, il n’y a aucune place pour les idées nouvelles.
La seconde est que si l’on décide d’écouter, on va recevoir des messages… mais pas nécessairement ceux que l’on voulait entendre. A priori, c’est un peu effrayant mais c’est enrichissant. Car on cesse alors de se répéter, on s’aventure en terrain inconnu, on se découvre, on se rencontre et on se sent moins seul. Les portes s’ouvrent sur ce qu’on appelle savamment de nouveaux paradigmes.
Troisièmement, je réalise que pour réaménager son existence, il faut accepter de rompre avec sa routine «productive» et se consacrer du temps. Il faut aussi apprendre à tolérer le chaos qui permettra à des structures différentes de se manifester.
Enfin, je constate une fois de plus qu’il faut faire attention lorsqu’on exprime une volonté, car cela arrive toujours. Je voulais du changement, j’en ai eu!
Changer ou non?
En conclusion, si vous désirez évoluer, placez-vous en situation d’ouverture et acceptez de vous laisser transformer.
Par contre, si vous ne voulez pas changer, je vous conseille ceci : continuez de courir, de vous tenir occupé, ne perdez pas une minute, ne restez jamais seul et n’écoutez personne!