Dépasser nos frustrations

Affaires Plus – Juillet 1999
Par Nicole Côté

Comme l’écrit Scott Peck*, la vie est difficile…

En effet, même si nous faisons partie d’une poignée de privilégiés qui ont vaincu le froid, la faim, la peur et la maladie, vivre reste difficile parce que l’univers n’existe pas pour prendre soin de nos besoins.

C’est à l’hostilité de l’univers que je pensais un matin de novembre pluvieux, froid et venteux alors que je me rendais chez mon esthéticienne.  J’allais me plaindre du sale temps lorsqu’elle me dit:  « J’aime le mauvais temps.  Il porte au romantisme et à la nostalgie.  C’est extraordinaire d’être forcé de rester chez soi par moments.»

Ce matin-là, j’ai reçu une belle leçon de positivisme.  Est-ce à dire qu’il suffit d’être positif pour que tout soit parfait?  Non, je ne crois pas.  En effet, malgré leur contribution intéressante au développement de l’humanité, les psychologues n’ont pas encore découvert de moyen agréable de vivre des choses désagréables.  Certaines réalités, comme la mort et la maladie, sont tout simplement pénibles.  Bien sûr, on peut tenter de s’élever spirituellement face à ces phénomènes, mais ils n’en demeurent pas moins désagréables.

Comment réagir à la frustration ?

Lorsque les mauvaises surprises arrivent, nous avons des choix fondamentaux.  Nous pouvons tenter de manipuler les autres, en jouant la victime, l’autruche, le cynique ou l’ange exterminateur.  À court terme, ces stratégies soulagent.  À long terme, elles deviennent extrêmement dommageables, pour l’environnement comme pour soi-même.  Il est donc préférable d’agir en personne responsable, d’apprendre à vivre avec les frustrations et d’en profiter pour évoluer.

Le premier pas vers la sagesse est d’accueillir la frustration comme un élément naturel de la vie.  Le second est de se donner le droit de ressentir de la déception, de la peine, de la colère…  La troisième étape consiste à évaluer le contrôle que l’on a sur la situation et à agir en conséquence:

– Quand on a l’entier contrôle de la situation, il faut tout simplement modifier son comportement.  Par exemple, si je suis malheureuse d’avoir grossi, je n’ai qu’à suivre un régime.
– Lorsque c’est le comportement d’un autre qui nous dérange, dans les situations où le niveau de contrôle est indirect, la seule réaction pertinente consiste à changer sa manière de communiquer avec la personne concernée, par exemple en décidant d’ignorer quelqu’un qui ne répond pas à nos demandes.
– Certaines données échappent totalement à notre contrôle.  Dans ce cas, il reste à changer notre façon de voir les choses.  C’est ce qu’a fait mon esthéticienne lorsqu’elle a décidé de se centrer sur les avantages du mauvais temps.

Maîtriser ce qui est de notre ressort

Dans l’adversité, il importe de maîtriser ce qui est de notre ressort et de ne pas perdre de temps à vouloir contrôler l’incontrôlable.  Cela permet de se «reprogrammer» et de profiter de la vie en prenant soin de sa personne et de ses intérêts.

Le principe fondamental d’une reprogrammation réussie consiste à chercher l’énergie et la solution ailleurs que dans le problème:

– Lorsque la frustration provient de l’environnement, c’est à l’intérieur de soi-même qu’il convient de trouver le moyen de rebondir.  Ainsi, lorsqu’on est aux prises avec des problèmes matériels, la stratégie la plus adaptée consiste à se ressourcer psychologiquement.  Si un climat malsain et conflictuel nous affecte, il faut investir dans son harmonie intérieure.  Quand des luttes de pouvoir paralysent tout, il est intelligent de se centrer sur la maîtrise de soi.
– À l’inverse, lorsqu’on a des problèmes avec soi-même, c’est dans l’environnement qu’il faut chercher l’antidote

Pour contrer le vide existentiel, rien de mieux qu’une incursion dans un système de pensée très différent:  c’est là que la religion, la philosophie tibétaine ou l’ésotérisme s’avèrent très appropriés.  Si le problème est la stagnation, on peut retrouver son énergie et sa motivation en investissant dans un projet créatif et aventureux.  En cas d’écœurement aigu, le meilleur antidote est de veiller à la qualité de vie quotidienne :  air pur, exercices légers, cuisine santé, loisirs sans stress.

Dans toutes ces stratégies, rien n’est magique.  Le secret consiste à entretenir sa vitalité et à bien gérer son équilibre malgré tous les obstacles.  On fait alors preuve d’un maximum d’adaptabilité et d’intelligence.

C’est ce que font les alpinistes pour atteindre les plus hauts sommets.  Ils apprennent à bien utiliser une corde et des piolets… et ne perdent jamais de vue leur objectif.

* Scott Peck, Le chemin le moins fréquenté