Affaires Plus – Mai 2000
SE PERDRE ET SE RETROUVER
Par Nicole Côté
D’une réunion à l’autre, d’une boîte vocale à l’autre, on devient vite étourdi.
On a l’impression de courir sans arriver nulle part, de chercher les autres sans jamais les trouver, de faire de grands détours pour se retrouver à la même place. On rationalise en disant que travail et responsabilités obligent.
Pourtant, l’une des personnes les plus calmes, les plus faciles à joindre et les plus disponibles que je connaisse est le président d’une grande entreprise qui dit ne pas travailler très dur et me donne l’impression, chaque fois que je le rencontre, d’avoir l’éternité devant lui. Il est lui-même, il s’appartient. Il vit l’instant présent, il est là, il a quelque chose à donner.
Par les temps qui courent, il est très facile de se laisser emporter par le courant. De perdre le contrôle de sa vie. On est obnubilé par son entreprise, sa fonction, ses chiffres, ses contacts. Et l’on s’oublie. On a l’impression de devenir un robot. On s’épuise, on se lasse, on devient blasé. Puis, on commence à avoir de drôles de réactions. On ne se comprend plus, on se perd littéralement. Et on en vient à croire qu’on n’a pas le choix. Certains, parce qu’ils n’ont pas les moyens de laisser leur emploi; d’autres parce qu’ils ont investi trop d’argent dans l’entreprise.
Les signaux d’alarme
On peut s’apercevoir qu’on est en train de s’éloigner de soi-même grâce à certains indices :
– On fait des erreurs qu’on n’aurait jamais commises auparavant. On perd son porte-monnaie, on fait une grosse faute de français dans un document officiel…
– On manque d’énergie, on a l’impression d’être une mécanique qu’on doit remonter chaque matin.
– On devient impatient, on malmène ceux qu’on aime, on engueule des collaborateurs qui ne le méritent pas.
– On n’a plus le temps de voir ses amis et on se retrouve à prendre de la bière avec des gens qui ne nous intéressent pas.
– On a un pincement au cœur quand une personne annonce qu’elle part en sabbatique ou démarre sa propre entreprise.
– On a envie de pleurer lorsqu’on revient en avion tard le vendredi soir ou quand on se retrouve à l’hôtel un dimanche après-midi.
Si on a plus de deux de ces symptômes, il est temps de s’apercevoir que ça ne va pas. Il est possible cependant qu’on ne soit pas en état de prendre quelque décision que ce soit. L’important n’est cependant pas de tout régler, mais de laisser émerger le désir de se retrouver et de planifier un premier pas en direction de soi.
Le retour vers soi
Se reconnecter à soi, c’est revenir à des choses qui nous ressemblent, c’est se retrouver en terrain connu et sûr, se remettre à respirer, à vibrer, à rire et à chanter.
Pour ce faire, il existe des moyens simples, concrets et agréables :
– Reprendre contact avec son corps : faire une activité physique ou sportive plaisante, marcher dans un endroit paisible, se faire donner un massage, se payer une fin de semaine de repos, de bonne cuisine et de feu de bois;
– Faire une incursion dans son passé : ressortir de vieilles photos, y mettre de l’ordre et leur donner un titre;
– Retourner à ses racines, dans son village natal, dans un endroit où l’on s’est toujours senti vivant, naturel et en sécurité;
– Revoir de vieux amis, leur demander de nous raconter l’amitié qui nous unit, de nous parler de nous;
– Se réserver quotidiennement des périodes de recul, de méditation, d’évaluation;
– Trouver une aide extérieure, un témoin, un conseiller qui aide à mieux se comprendre;
– Décrocher complètement pour quelque temps, loin de toute obligation, de toute influence.
Et la vie continue… Se rapprocher de soi, cela ne règle pas tous les problèmes mais permet de décompresser, de dédramatiser les situations et de voir les choses avec un regard nouveau.
À partir de là, il est possible qu’on change d’orientation. Il est possible aussi qu’on continue son chemin, mais d’un pas plus léger, à un rythme plus raisonnable. C’est alors qu’on commence à vraiment vivre ici, maintenant.