Affaires Plus – Mai 1999
UNE IMAGE GRANDEUR NATURE
Par Nicole Côté
La « reconnaissance », vous connaissez ?
Il n’est pas rare que des gens consciencieux qui ont traîné dans une entreprise sans faire de vagues, se retrouvent soudainement ailleurs, à un poste prestigieux et beaucoup plus lucratif.
C’est le cas d’une professionnelle qui, au cours des années, avait vu son champ de responsabilités s’élargir sans qu’on lui donne pour autant le titre et le salaire correspondants. Au début, elle a apprécié la confiance qu’on lui accordait. Peu à peu, elle s’est sentie exploitée et a demandé des réajustements. Un jour, elle est partie. La semaine suivante, elle a reçu quatre offres d’emploi. Elle a choisi la meilleure, celle qui lui redonnait d’elle-même une image grandeur nature.
La reconnaissance est la quatrième marche de la pyramide des besoins (pyramide de Maslow). Ce besoin légitime est satisfait quand notre environnement nous estime à notre juste valeur. C’est l’équilibre entre l’offre et la demande, l’exigence et la récompense, le s’il vous plaît et le merci.
Nous avons tous besoin d’être reconnus et ce, pour plusieurs raisons
C’est d’abord une question de justice et d’équité. Il importe de nous situer par rapport aux autres et de sentir qu’il y a adéquation entre notre contribution et la rétribution de l’entreprise. Dès qu’il y a sous-évaluation, des problèmes – tels que la démotivation et la démoralisation, les tensions et les conflits – apparaissent. Paradoxalement, s’il y a surévaluation, les mêmes phénomènes surgissent…
C’est aussi une question de stimulation et d’encouragement. Le fait qu’on reconnaisse notre compétence et notre générosité nous pousse à travailler et à donner davantage. Enfin, il est tout simplement plaisant et valorisant d’être fier de soi, de se sentir apprécié et de recevoir des marques de respect et de considération.
Si on me demandait : «Qu’est-ce que cela veut dire être reconnu ? », Je répondrais : «J’existe, je sens que l’on tient compte de ma présence vivante, intelligente et sensible. On me parle poliment, on m’écoute. Je me sens appuyée. Je suis félicitée pour mes bons coups et, si je fais une erreur, on me critique de manière constructive. On me fait participer, on me tient informée, on me traite en partenaire. On me donne des défis, on me fait confiance. Je reçois de gentilles attentions. Finalement, je suis bien payée.»
Ce dernier point peut paraître évident, mais le fait est que beaucoup de gens entretiennent avec l’argent une relation ambiguë. L’amour du métier, le partage d’un idéal et d’une ambition, même l’amitié, ne suffisent pas à construire une relation de travail solide. Il faut absolument clarifier et régler les questions matérielles, car si ça ne va pas à ce niveau, rien n’ira plus un jour ou l’autre.
Comment prendre soin de son besoin de reconnaissance?
La responsabilité personnelle, la lucidité, le bon sens et l’action sont quatre guides précieux lorsqu’on envisage d’améliorer son sort. Il faut en effet se rappeler que :
-La reconnaissance ne nous tombera pas dessus par magie. Si l’on compte uniquement sur son environnement pour obtenir ce que l’on veut, on risque d’être déçu. Il faut s’en occuper personnellement.
-Les autres ne nous reconnaîtront jamais plus qu’on se reconnaît soi-même. Le premier travail de recherche est donc intérieur : il s’agit d’apprendre à se voir, à s’apprécier, à se reconnaître.
-Il est difficile de s’évaluer correctement, mais cela s’apprend. Il existe des barèmes pour juger de sa valeur marchande : le niveau de scolarité et d’expérience, la rareté, la disponibilité, la comparaison avec d’autres. La rétroaction de l’entourage est aussi une donnée éloquente. Au niveau subjectif, c’est le sentiment d’être bien ou mal traité, d’en faire trop ou pas assez qui est déterminant. Dans tous les cas, il faut écouter sa petite voix intérieure. Même si tout porte à croire que je suis bien considéré, si je ne le sens pas, j’ai sans doute raison.
-Il faut passer à l’action. Cela veut dire régler ses problèmes relationnels au jour le jour, en soulevant la question de son statut auprès de ses supérieurs si l’on ressent un malaise constant. Et là, la prudence s’impose. Le mieux est d’avoir une solution de remplacement, à défaut de quoi il faut prévoir une sortie élégante. Il est bon aussi d’avoir un argumentaire solide et d’être convaincu que, si votre patron vous dit que vous êtes son bras droit, il est logique qu’il s’attende à ce que ça lui coûte… un bras.
Dans tout ce processus, la confiance en soi et l’optimisme seront de grandes forces. Si les gens avec qui vous travaillez ne sont pas prêts à vous voir grandeur nature, c’est sans doute que la nature vous appelle ailleurs.